Pavillon de complaisance
Le pavillon de complaisance (vocable négatif) ou pavillon de libre-circulation (vocable positif) est selon la définition en vigueur depuis 1974 à la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) : « le pavillon d'un navire pour lequel la propriété réelle et le contrôle se situent dans un pays autre que celui du pavillon sous lequel il est immatriculé. »
Le droit international exige que chaque navire marchand aie une nationalité symbolisée par le pavillon qui flotte à l'arrière et qui se doit d'être visible dans le cas d'une rencontre avec un autre navire ou à l'entrée dans un port.
Le navire doit être immatriculé dans un registre tenu à jour par son pays et il est soumis à la législation de ce pays.
Les registres de navires au sens actuel sont apparus pour la première fois au Royaume-Uni en 1660 à la suite du fichier de navigation de 1651.
Le lien navire-pays est établi par la nationalité ou au moins le lieu de résidence de la personne physique ou morale propriétaire du navire.
Ce principe n'est pas appliqué partout. Certains pays n’exigent pas au propriétaire d'avoir la nationalité ni de lieu de résidence pour immatriculer son navire. C'est ce qu'on appele tenir un registre ouvert.
Rare avant la 2ème guerre mondiale, elle est la norme actuellement, 73% des navires de la flotte mondiale naviguent sous le pavillon d'un autre pays.

Le terme anglais flag of convenience (FOC) a été utilisé dans les années 1950.
Les allemands parlent de sous-pavillon (Ausflaggung), drapeau de complaisance (Billigflagge), Rückflaggung und Einflaggung
Les espagnols parlent de Pabellón o bandera de conveniencia, registros abiertos, segundos registros nacionales
Les italiens évoquent bandiera di comodo, bandiera ombra (pavillon fantome) et bandiera di convenienza.
Les hollandais parlent de Goedkope vlag ( pavillon bon marché) ou gelegenheidsvlag (pavillon d' opportunité).



Pendant la prohibition (1917-1933), les armateurs américains, pour transporter ou servir de l'alcool à leurs passagers, enregistrèrent leurs bateaux au Panama. Le Belen Quezada, en août 1919, a été le premier navire étranger à être enregistré dans le registre panaméen pour être utilisé à transporter de l'alcool illégalement entre le Canada et les États-Unis. Le Belen Quezada était le vieux (35 ans) charbonnier militaire USS Zafiro.
1922: United American Lines inscrivent les grands paquebots Reliance et Resolute au Panama pour contourner les dispositions d'interdiction de vente d'alcool imposées par les États-Unis.
Les United American Lines, aka American Shipping and Commercial Corporation, furent fondés par W. Averell Harriman en 1920. Harriman trouva un accord avec la Hamburg-America Line (HAPAG) pour exploiter une ligne de passager Hamburg - Southampton - Cherbourg - New York. La ligne fut revendue à HAPAG en 1926.
Entre 1915 et 1922, plusieurs lois ont été adoptées aux États-Unis pour renforcer la marine marchande des États-Unis et fournir des garanties à ses marins. Ces lois mettent les navires battant pavillon des États-Unis dans une situation économique désavantageuse par rapport aux pays ne disposant pas de telles garanties, et les navires ont commencé à être immatriculés de nouveau dans le registre public du Panama à partir de 1919. En plus de contourner la loi sur les marins, les navires battant pavillon panaméen au début de cette période, les marins étaient rémunérés selon l’échelle salariale japonaise, bien inférieure à celle des puissances marchandes occidentales.
Dans les années 1930, les armateurs grecs ont commencé à immatriculer de plus en plus de navires au Panama. Pendant la guerre civile en Espagne, un certain nombre de navires espagnols ont été signalés au Panama et, au début de laSeconde Guerre mondiale , les États-Unis ont utilisé l'enregistrement au Panama pour effectuer des livraisons de matériaux à la Grande-Bretagne sans entraîner les États-Unis, officiellement neutre, dans la guerre.
1927: la United Fruit Company commence à exploiter des bananiers sous le pavillon du Honduras. Elle possédait une flotte de 38 navires de fort tonnage (Great White Fleet = grande flotte blanche).
1948: La campagne FOC ITF commence. Le registre panaméen devint moins attrayant pour plusieurs raisons, notamment son impopularité vis-à-vis du mouvement syndical américain et les préoccupations du transport maritime européen, les troubles politiques au Panama et l’augmentation de ses redevances et de sa réglementation.
Le registre ouvert libérien, fondé en 1948 a été conçu par Edward Stettinius, secrétaire d'État de Franklin D. Roosevelt pendant la Seconde Guerre mondiale. Stettinius a créé une structure d'entreprise comprenant notamment la Liberia Corporation , une joint-venture avec le gouvernement du Libéria.  La société était structurée de manière à ce qu'un quart de ses recettes revienne au gouvernement libérien, 10% supplémentaires servent à financer des programmes sociaux au Libéria et le reste à la société de Stettinius.
Le 11 mars 1949, le magnat de la marine grecque Stavros Niarchos (Niarchos Ltd) enregistre le premier navire battant pavillon libérien, le World Peace.
1960: 80% de la flotte PANHONLIB, c’est-à-dire immatriculée au Panama, Honduras et Liberia, appartient à des compagnies américaines ou grecques.
En 1967, moins de vingt ans après sa création, le Libéria a remplacé le registre britannique en tant que plus grand registre au monde. 
En raison des guerres civiles libériennes de 1989 et de 1999 , le registre du pays tomba finalement derrière le pavillon de complaisance du Panama, mais les fonds maritimes continuaient de fournir 70% des recettes totales de l'État.  Après la guerre civile de 1990, le Libéria s’est associé à la République des Îles Marshall pour mettre au point un nouveau programme maritime et commercial.
La France voit sa flotte passer de 20825 tx en 1980 à 6653 tx en 1990. La diminution provient de passage sous pavillon de complaisance. 1979 est l'année du 2e choc pétrolier. 1980 marque la crise monétaire. Les actionnaires veulent une rentabilité à priori ce qui entraine une gestion à cours terme de la part des managers.
Les pays dits riches, qui continuent leur gestion traditionnelle dans le Premier Registre, en réponse à la fuite des navires, dégradent eux-mêmes leur exigences sociales et environnementales (pavillon bis) dans le but de lutter contre la perte de fret.
La France crée en 1986 son pavillon bis à Port-aux-Français dans les îles Kerguelen dans les terres australes et antarctiques françaises (TAAF), (les Kerguelen ne comprenent aucune population permanente et Port-aux-Français n'a qu'un simple embarcadère).
Les registres offshore s’adressent principalement aux armateurs qui souhaitent conserver le pavillon du premier registre concerné mais souhaitent exploiter leurs navires dans des conditions économiques plus favorables. Par conséquent, par exemple, des règles de dotation en personnel plus faciles à remplir ou une imposition moins lourde s’appliquent, mais l’État du pavillon de rang supérieur conserve un contrôle administratif comparable à celui du premier registre.
 Il a été remplacé en 2005 par le RIF (Registre international français) pour les navires de commerce.
Les registres offshore du registre primaire britannique sont: Bermudes, Cayman Isle et Isle of Man, Kerguelen jusqu'au premier registre de la France, Antilles néerlandaises jusqu'au premier registre des Pays-Bas, Luxembourg comme registre offshore de la Belgique et des Îles Féroé jusqu'au premier registre du Danemark.
Récapitulons les avantages qu'ont les armateurs d'avoir un pavillon de complaisance:
-frais d'exploitation diminués (salaires et protections sociales des marins au niveau inférieur)
-impots innexistants,
-controles sur l'état technique et de sécurité des navires laxiste,
-obscurité sur le propriétaire pour éviter le principe: le pollueur sera le payeur.

Par exemple pour le naufrage en 2002, au large de la Galice, du Prestige, le propriétaire effectif était une société basée au Liberia: Mare Shipping Inc, le pavillon était des Bahamas, le propriétaire ultime était une société grecque, le certificat d'aptitude à la navigation avait été délivré par une société américaine après une inspection à Dubaï, l'affréteur était une société immatriculée en Suisse Crown Ressources et filiale du groupe russe Alfa, l'équipage était roumain et philippin et les officiers grecs, quant à la marchandise, c'était du pétrole russe chargé en Lettonie à destination de Singapour.
Un certain nombre de points communs se retrouvent dans les critiques du système de pavillon de complaisance. La première est que la réglementation de ces États du pavillon est insuffisante et que leurs réglementations sont mal appliquées. Une autre est que, dans de nombreux cas, l'État du pavillon ne peut identifier un propriétaire de navire, et encore moins le tenir civilement ou pénalement responsable des actes d'un navire. En raison de ce manque de contrôle de l'État du pavillon, les pavillons de complaisance sont critiqués pour leur capacité à permettre l'évasion fiscale, à créer un environnement propice aux activités criminelles, à soutenir le terrorisme, à créer de mauvaises conditions de travail pour les gens de mer et à nuire à l'environnement.
Après le naufrage de l’Exxon Valdez en 1989, Exxon, reconnue fautive, dut supporter d’énormes réparations. Les majors se débarrassèrent alors quasiment de leur flotte. Vers 1985, trois éléments entraînent une nouvelle donne :
1 - le bouleversement technologique des télécommunications mondialise les marchés. La vente des produits pétroliers au marché spot (coup par coup) se développe. Le trader (courtier) devient un personnage clé du monde maritime. Informé rapidement, payé au pourcentage, il incite à toutes les spéculations, et une cargaison pourra être achetée et revendue plusieurs fois en cours de trajet ! Les compagnies pétrolières qui, jusque là, pratiquaient des activités intégrées du " puits à la pompe ", et qui possédaient de grandes flottes, vont de plus en plus souvent faire appel à des armateurs indépendants qui offrent plus de souplesse dans ce marché spot.
2 - le repli de la construction navale - lié à une surproduction spéculative des années 1970 et aux incertitudes des cours pétroliers (choc de 1979, contre-choc de 1983-1985) - entraîne l’utilisation de bateaux vieillis. Juste au moment où, suite au naufrage de l’Amoco Cadiz (1978), des contraintes accrues pour améliorer la sécurité maritime se mettent en place (Mémorandum de Paris de 1982). Le propriétaire du bateau étant responsable, les majors pétrolières vont fuir peu à peu leur responsabilité en externalisant leur flotte.
3 - la libre circulation des capitaux qui se développe à ce moment-là et va permettre la généralisation d’un système qui fera d’une pierre trois coups : souplesse, irresponsabilité, profits.
Grâce à un montage financier off-shore (Luxembourg, Suisse, Gibraltar, Panama...), une société peut se créer pour l’achat d’un seul bateau : s’il fait naufrage, la société propriétaire, légalement responsable, fait faillite ou disparaît, et ne peut donc rien payer aux victimes ! Ce fut le cas pour l’Erika. C’est encore le cas pour le Prestige. Il faut alors un procès (une dizaine d’années...) pour retrouver éventuellement les véritables responsables.
La première période ou « préhistoire » des pavillons de libre immatriculation couvre en fait une partie du XIXème siècle et se termine à la Première Guerre Mondiale .
La « demande de pavillon » émanant des compagnies maritimes n’existe donc quasiment pas, hormis le cas particulier de la piraterie.
Les rapports entre l’administration et les armateurs, « captifs » des Etats où ils résident ou de ceux où travaillent leurs navires, sont essentiellement des rapports d’autorité.
Le monopole de pavillon, avatar de l’exclusif colonial, est resté longtemps  la formule de protectionnisme maritime la plus générale en France. Par ailleurs, les entreprises « concessionnaires » (d’un service public) ou subventionnées dans « les colonies et pays de protectorat relevant du ministère des colonies » avaient l’obligation de réserver à des navires français les transports de cargaison qui leur étaient destinées.
La situation faite aux compagnies nationales était identique ou proche pour les autres pays européens : les compagnies maritimes étaient pour partie l’instrument des politiques coloniales des Etats et les navires et leurs équipages étaient sous statut quasi-militaire (affectation collective de défense, avancement, uniformes, assimilation de grades, régime disciplinaire, etc.). Il est à noter que cela prolongeait le régime des compagnies à charte perfectionné par les Pays-Bas dans les Indes orientales puis occidentales.
En suivant des chronologies distinctes, les principaux foyers de résistance aux pavillons de libre immatriculation ont donc abandonné la lutte dans les vingt dernières années du XXème siècle et au tout début du XXIème siècle, période lors de laquelle se sont renforcés les fondements du néolibéralisme économique. Plusieurs mouvements ont convergé pour contribuer à affaiblir la résistance aux pavillons de libre immatriculation :
- libéralisation, privatisations et déréglementations sont prônées par nombre de dirigeants occidentaux élus à partir de la fin des années 1970 : Ronald Reagan, en tant que Président des Etats-Unis de 1981 à 1989 ; Margaret Thatcher, en tant que Premier ministre britannique de 1979 à 1990; Raymond Barre, en tant que Premier ministre français de 1976 à 1981 ; Jacques Chirac en tant que Premier ministre français sous la première « cohabitation » de 1986 à 1988, etc., pour lesquels en substance et à quelques différences près il n’y a pas d’alternative aux marchés ;
- l’affaiblissement puis l’effondrement du bloc soviétique et, partant, de ce modèle d’économie ;
En 2018, 73% des navires de la flotte mondiale naviguent sous le pavillon d'un autre pays.
La flotte mondiale est de 1 924 000 mtx.
La flotte marchande française sous pavillon français est de 1 557 mtx soit 0,08% de la flotte mondiale pour 142 navires.
La flotte marchande française enregistrée sous le RIF est de 4 251 mtx pour 95 navires.
La flotte marchande française apparente est de 5 808 mtx soit 0,3% de la flotte mondiale.
La flotte marchande de propriété effective française est de 51 464 mtx soit 2% de la flotte mondiale
La flotte marchande française de propriété effective est de 51464 mtx et navigue sous les pavillons suivants:
Marshall    15951
Liberia        8509
France        5808
Panama       4485
UK            4287
Hong-Kong 4161
Grèce          3818
Malte          2803
Bahamas       724
Chypre          423
Espagne        377
Indonésie        59
Italie                30
Singapour        27
Norvège            4
La notion de "pays de propriété effective" est importante.
Un ressortissant grec propriétaire de navires (propriétaire ultime de nationalité grecque) et dont la compagnie maritime est basée au Royaume-Uni (localisation des propriétaires effectifs des navires est le Royaume-Uni) peut avoir des navires immatriculés au Panama.
11,8% de la flotte mondiale ont des propriétaire ultime et propriétaires effectifs de nationalités différentes.
88,2% n'ont pas cette différence.

16,9% de la flotte mondiale appartient à des ressortissants grecs propriétaire ultime
15,4% de la flotte mondiale appartient à des ressortissants grecs propriétaire effectif
1,5% de la flotte mondiale appartient à des britaniques propriétaire ultime
3,2% de la flotte mondiale appartient à des  britaniques propriétaire effectif

2014 Propriétaire flotte mondiale:
Grèce 70 mtx sous pavillon  188 mtx pav etranger, 258 mtx PE, 283 mtx PU
RU     8,3                                    44,6                            52,8            25,3
France 4,1                                    7,7                            11,8            12,8
données du CNUCED à partir de Clarkson Research Services
Exemple d'utilisation de pavillon de complaisance pour 3 armateurs: CMA-CGM.

2019: 1ère flotte française avec 23 porte-conteneurs immatriculés au RIF pour 2330 mtx.
. Au point de vue mondial, sa flotte est de 509 navires. Elle possède 7 marques d'activités marines: APL, ANL, CMA-GGM, CNC, COMANAV, CONTAINERSHIPS, MERCOSUL LINE
Marfret
2019: 17e flotte française avec 2 porte-conteneurs Guyane et Marajo 35 mtx.
Il possède aussi
1 porte-conteneurs immatriculé au Portugal, GH Meltemi 29 mtx
1 porte-conteneurs  en Lithuanie, Waddens 5 mtx
1 roulier au Luxembourg  Marin 4,6 mtx
1 automoteur conteneurs à Malte Lydia 4,8 mtx
soit 45 mtx.
1 automoteur pour Fluveo Chatelet 0,5 mtx
Corsica Ferries
mai 1968: Le bastiais Pascal LOTA lance une liaison Gênes-Bastia en créant la Corsica Line.
1973: Changement de nom en Corsica Ferries et de couleur. Les coques des navires sont repeintes en jaune afin  «  de  les rendre plus visibles ». En fait, Corsica Ferries est un affreteur, l'armateur étant Armatur, Tourship, Sadinvest, Forship ou Medinvest. Le pavillon retenu pour flotter sur le navire est le panaméen.
1979: L’emploi pour ses navires du pavillon panaméen  entraînera  un  blocage  par  des marins de la SNCM le 1er juin 1979 du CorsicaStar.
1992: Libéralisation par la réglementation  européenne  des  services du cabotage en Europe à compter  du  1er  janvier  1999.  Cela  signifie  pour  les  dirigeants  la  possibilité  de  côtoyer  les  compagnies  d’État  sur  un  pied d’égalité, et plus particulièrement la SNCM au départ du continent français,  sous  condition  de  délaisser  le  pavillon panaméen au profit d’un européen (ce sera le pavillon Italien bis).
Flotte 2016: 13 transbordeurs sous pavillon italien bis c'est la 5ème flotte mondiale de ferries.
Source: LA LIBRE IMMATRICULATION DES NAVIRES : UN GAIN POUR LES PETITES ECONOMIES INSULAIRES ? (ETUDE A PARTIR DU CAS D’ETATS DE LA CARAÏBE) de Pierre ANGELELLI
CNUCED UNCTAD Stat Conférence des Nations-unies sur le commerce et le développement
Flotte de commerce sous pavillon français Janvier 2019 du MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE
ATTAC article