Histoire des Sémaphores
Les Romains avaient établi 3197 postes de guet sur le pourtour de la Méditerranée et sur l'Océan Atlantique échelonnés sur environ 7000 kilomètres.

Les guetteurs de ces postes signalaient à l'aide de feux et de fumées, l'arrivée éventuelle d'envahisseurs, système de signaux encore employé au XVIIIe siècle.


Pour lutter contre les incursions barbaresques, les Génois mettent en place en Corse un système de surveillance maritime reposant sur un réseau de 87 tours communiquant entre elles par des feux. On trouve un dispositif similaire à Jersey.



Tour génoise

En Provence, entre la pointe de l'Espiguette (proche d'Aigues-Mortes) et la tour de la Turbie (vers Monaco), il existait 33 "farots", généralement situés sur des points hauts. Leur entretien était assuré par la communauté la plus proche.

Sous l'Ancien Régime, chaque région et même certains ports possèdent leur propre système de signalisation.

Marseille, par exemple, hisse une voile de navire, latine pour une galère, carrée pour une nef, autant de fois qu'il y a de navires en vue, depuis le sommet de la Tour de la Garde. Marseille payait aussi 3 guetteurs pour le poste dans l'île de Riou et 2 guetteurs pour le poste au sommet du massif de Marseilleveyre.
  

"Le prèche de la Madeleine à Marseille" de Antoni Ronzen

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On voit le signal sur le haut de la Garde au dessus de la tête de la sainte.

Le règne de Louis XIV est une longue suite de conflits. De 1668 à 1697, Colbert et Vauban créent des fortifications et batteries côtières qui communiquent à l'aide d'un code de pavillons pour assurer la protection des côtes de l'ennemi. . 

Par un décret du 3 frimaire de l'an II (24 novembre 1794), le Comité de Salut Public, organise une ligne de postes de vigie côtière. Cette ligne continue permet de communiquer avec des navires à l'aide de pavillons. Les postes peuvent également échanger des messages entre eux. Quelques objets "codés" sont donnés à chacun : 2 pavillons nationaux, 1 de couleur rouge, des fusées, des torches et une pièce d'artillerie pour signaler l'arrivée de l'ennemi de jour comme de nuit. Puis un code de correspondance avec 3 guidons, 4 pavillons et 3 flammes. Le code comprend enfin 16 pavillons et 4 flammes, ce qui permet d'introduire des clefs de chiffrement.


Fort national à Saint-Malo

Les armateurs de Liverpool, 2ème port du monde derrière Londres en 1763, créent une station de signalisation par pavillon  (flagpole) sur les hauteurs de Bidston Hill. Bidston Hill est le point culminant à 70 m de hauteur de l'autre côté de la rivière Mersey.

Une forêt de plus de 100 mâts de 30 pieds de hauteur (9,14 m) en pin de la Baltique est plantée entre le phare et le moulin à vent.

Les navires étaient identifiés lorsqu'ils contournaient la pointe Ayr ou la pointe Formby, soit 11 minutes avant d'entrer dans le port.

Le pavillon de son armateur était alors hissé sur le bon mât, suivi du bon pavillon de chargement.

Cela permettait aux superviseurs sur les quais de préparer leur main-d'oeuvre pour décharger le navire.

Double avantage: les navires n'embouteillent plus les quais en attendant d'être déchargés et les portefaix  n'étaient payés que pour le temps qu'ils passaient à travailler.
La communication par pavillons atteint rapidement ses limites, car lorsque la distance entre correspondants devient trop grande, la distinction des couleurs devient impossible. Des systèmes de signaux à grande distance utilisant un mât et des marques rigides de différentes formes à la place de pavillon de tissu sont créés. Les premiers à réaliser un système  sémaphore (du grec SEMA signes et PHOROS qui porte) ou télégraphe (de TELE: loin et GRAFEIN écrire) sont les frères Chappe. En 1792, ils installent la première ligne de sémaphores entre Paris et Lille. Elle fut utilisée pour transmettre les dépêches de la guerre entre la France et l'Autriche. Le premier symbole d'un message pour Lille traversa 193 km à travers 15 stations en seulement 9 minutes.
Alphabet Chappe

Dans le cadre du Blocus Continental contre le Royaume-Uni, en janvier 1806, Napoléon Ier demande au ministre de la Marine,  le vice-amiral Decrès, de mettre en place un dispositif de surveillance des navires depuis la terre. Un officier d'artillerie, nommé Charles Dupillon, propose à la Marine un nouveau modèle de télégraphe. Sa version à 3 ailes de 4 m de long fixées sur un mat en bois de 12 m de haut, permet d'utiliser plus de signaux que le système Chappe dont il est dérivé .
Le capitaine de vaisseau Louis Jacob installe les postes de surveillance équipés de ce dispositif  tout au long de la côte,
l'emplacement de chaque poste étant déterminé pour qu'il puisse être vu des deux plus proches installations du même genre. 
Un réseau de
293 stations côtières est mis en place en  août et septembre 1806 dont 66 en Méditerranée. Avec la chute de l'Empire, les sémaphores sont jugés superflus. Un courrier envoyé aux préfets maritimes le 26 avril 1814, trois jours après l'armistice, ordonne le démontage des sémaphores.

     

Alphabet Dupillon et emplacement des stations dans les Pyrénées Orientales
Le télégraphe Liverpool-Holyhead (situé à 109 km à la pointe nord-ouest du Pays de Galle.) est établi par une loi du Parlement britannique adoptée en juin 1824. Ce fut la première application commerciale du sémaphore.
À l'approche de Holyhead, un navire entrant transmettait d'abord son numéro au moyen de pavillons de signalisation. Si d'autres informations devaient être envoyées, les signaux appropriés étaient envoyés du navire. Ces messages étaient ensuite relayés à Liverpool où les propriétaires, ou leurs agents, pouvaient organiser un poste d'amarrage et des installations de stockage pour leurs marchandises ou fournir tout service supplémentaire requis par le navire. Le premier message passé sur la ligne remonte au 5 novembre 1827. Il mit 5 minutes pour arriver à Liverpool. A titre de comparaison, un voilier mettait 20 heures pour faire le trajet Holyhead-Liverpool.

Mis au point en 1837 par Samuel Morse, le télégraphe électrique se développe en France à partir de 1845 (ligne Paris-Rouen).

En 1856, Français et Anglais signent la première convention nautique établissant le Code International des Signaux. C'est une sorte de dictionnaire édité en toutes langues, où les syllabes, les mots et les phrases les plus usuelles sont traduites par les combinaisons de un, deux, trois ou quatre pavillons.

En 1859, les sémaphores sont réactivés. Ils sont dotés d'un télégraphe électrique, d'un mât de signaux et d'un sémaphore. Le mat de signaux sert à hisser les pavillons constituant le Code International, ce qui permet au sémaphore de correspondre avec tout navire, même de nationalité différente de la sienne, et bien qu’en ignorant sa langue. L’appareil sémaphorique sert aux communications avec les navires de guerre d’après un Code secret. Enfin, les sémaphores hissent à leur mat des signaux météorologiques, cônes et cylindres dont la signification est d’annoncer le mauvais temps en provenance d’un point cardinal.
Le réseau des sémaphores est constitué de manière qu’aucun bâtiment ne puisse s’approcher des cotes sans être aperçu au moins par l’un d’eux. Les 139 sémaphores étaient divisés en 8 circonscriptions, chacune sous les ordres d'un capitaine de frégate inspecteur qui relevait du major-général de son arrondissement maritime. On notera le glissement sémantique du mot sémaphore de l'appareil  à mât et ailes mécaniques vers le bâtiment qui l'acceille.

1897:  Le personnel des sémaphores est désormais partie intégrante de la Marine.
1901: Guglielmo Marconi réalise la première transmission radio transatlantique, ce qui lui valut le prix Nobel en 1909. En 1902, les données météorologiques puis des prévisions commencèrent à être transmises par télégraphie sans fil aux navires en mer et les données provenant de ces derniers le furent dès 1905.
1958: Le service de télégraphie est fermé. Les sémaphores sont désormais chargés de la surveillance de l'espace maritime, aérien et terrestre, militaire et civil. Il en reste environ 80. 

On noteras les gains sur les zones surveillées par poste de guet équipé de sémaphore ou non:

- 3197 postes de guet romains  sur 7000 km soit 2,2 km entre 2 postes  

- 87 tours génoises sur 802 km  soit 807/87 soit 10 km entre tours

- 293 sémaphores type 1806  sur 5600 soit  20 km entre sémaphores

- 139 sémaphores de 1859  sur 5600 km soit 40 km entre sémaphores

- 80 sémaphores  en 1958   sur  5600 km soit 87,5 km entre sémaphores

- 59 sémaphores de 2020  sur 5600 km soit 95 km entre sémaphores

Carte des 19 sémaphores de Méditerranée, 26 de l'Atlantique et 14 de la Manche soit 59 sémaphores pour 5600 km de côtes.

voir: Rapport sur Charles Depillon, de François Cabane et Michel Boulier, IFREMER, 2007
Wikipedia
Quest France